Les batteries bien rechargées à Bogota chez nos amis Douglas et Raquel, nous avons soif de découverte d’un nouveau pays. Un voyage continu par voie de terre demeure inenvisageable, les frontières sont fermées. Seuls les airs laissent un peu de souplesse. C’est pas le Pérou, mais si en fait… Pérou nous voilà!
Nous enfilons donc nos bottes de géants, ouvrons nos yeux d’ogres, fronts collés au hublot. Passée une masse cotonneuse, les sommets des Andes se dégageaient à notre vue.
A la douane : RAS, circulez, mais cause pandémie pas de tampon à accrocher au panthéon de notre passeport... soit… mais si juré nous y sommes bien allés.
Nous nous allongeons quelques heures sur les sièges et sous les fortes lumières de l’aéroport de Lima, et arrivons à Cuzco au petit matin. Sans tarder, nous commençons par nous imprégner de l’histoire et la culture Inca par la visite du temple musée Koricancha.
A l’arrivée des conquistadores espagnols au début du 16e siècle, les incas régnaient sur un empire immense, s’étendant de l’actuel Equateur jusqu’au Chili. Divisé en 4 régions, Cuzco était son centre névralgique, où vivaient prés de 200000 personnes.
Les incas maitrisaient à merveille de nombreux arts : tissage, orfèvrerie, construction, cultures, irrigation.
Nous en savons alors plus sur le pourquoi et comment du transport, de la taille et l’assemblage au millimètre d’énormes pierres sèches, pour monter des remparts ou border des chemins, sur la confection de maisons en terre aux toits de paille, technique encore actuellement utilisées, et dont nous avons pu apprécier plus tard le confort et l’étanchéité.
Nous nous rendons ensuite manger au marché San Pedro, caverne d’Alibaba alimentaire et artisanale. Alors, qu’est-ce qu’ils mangent les péruviens ? Le marché et les rues alentours nous renseignent à ce sujet et sont une invitation à la gourmandise : fruits exotiques, encore inconnus décidément, et même de délicieuses pâtisseries et chocolats. Toutes sortes de fruits et légumes, et des patates, sans aucun doute ! Il y en a partout, de toutes les sortes, de toutes les tailles, de toutes les couleurs, pour tous les goûts ! Saviez vous que le Pérou était le pays de la pomme de terre ? Qu’elle était née ici, à l’état sauvage, il y a plus de sept mille ans ? Que ce sont les conquistadors espagnols qui l’ont rapatriée en Europe au seizième siècle ?...! Il se dit même ici qu’il y a autant de jours de l’année que de sortes de pommes de terre... Purée, tout le gratin de la patate là devant nous mais finalement une « Mamita » bien campée du haut de ses 1m28 (Ouais ben elle m’a bien appelé « Papi » alors je peux bien rire gentiment de sa petite taille) nous décide pour y manger un Ceviche! Tellement goûtu qu’on n’a à peine laissé une chance à nos assiettes d’être prises en photo !
Les accès à la ville sont bloqués pour Pâques durant 4 jours, la circulation restreinte à l’achat de nourriture et de produits de première nécessité.. que disent les autorités. Jusqu’en début d’après midi les rues sont toutefois bien animées, la plupart des magasins d’alimentation bien frequentés. La rue demeure un magasin à ciel ouvert.
Pour le premier jour de lock down, ni une ni deux partons arpenter les hauteurs de la ville à bord de nos jambes avec pour objectif le temple du soleil, le site inca de Sacsay huaman. En chemin, la machine infernale des pseudo-guides se met en marche :
« Senor, ascension trop dure, préférable toi monter sur mon caballo !
- Senor, si toi monter dans mon taxi, toi pas payer le prix de l’entrée…même si c’est fermé!
- Messieurs non merci, dieu et maman nous ont fait des jambes, on va s’en servir…
Mais c’est qu’ils sont persévérants les bougres !…ou plutôt que pobresitos ils n’ont pas d’autres touristes à qui proposer leur service, alors on craque, et faisons un deal avec Charly. Il oublie ses chevaux et nous guide à pied, aux abords du temple du soleil (Sacsay Huaman), mais aussi de la lune et de la Pacha Mama (Terre Mère), sans oublier de nous conter l’existence de deux autres, dédiés aux étoiles et à l’arc en ciel.
Nous arrivons en haut un peu essoufflés! Mais le jeu en vaut une fière chandelle : la vue sur Cuzco depuis le Christo Blanco, version miniature du Christ Rédempteur de Rio, est impressionnante.
Nous embrassons une vue d’ensemble sur le site de Sacsay huaman réputé pour ses énormes blocs de granit parfaitement imbriqués et sans joints. Le site étant fermé, nous nous contenterons d’une balade le long des remparts extérieurs où on peut approcher de très près les énormes blocs de pierre. Le plus grand mesure neuf mètres de haut pour cinq de large, à pèse pratiquement trois cent cinquante tonnes. Ah Oui, quand même…
Pourquoi et comment les incas se sont-ils ainsi cassés la tête à tailler ces pierres géantes de formes si tarabiscotées? Une imbrication complexe en l’honneur du Dieu Tetris !?..qui permet tout simplement une meilleure stabilité, très utile en zone sismique…
Peu enclins à rester coincés à Cuzco 3 jours de plus, déterminés et têtus nous la quittons au petit matin du deuxième jour, filant droit devant nous d’un pas sur, rasant les murs, évitant la police qui patrouille et quadrille les rues. Le chauffeur d’une voiture taxi, peu résigné lui aussi à l’immobilité, accepte de nous conduire à Lamay, où nous souhaitons entamer une randonnée à l’écart du monde, passant par le site de Huchuy Cozco (Petit Cuzco). A Pisac, il prend soin d’éviter le pont bloqué par la police, et nous descendons la vallée par des chemins de terre cahoteux bordés de cultures de mais.
Depuis Lamay, nous nous hissons à pied sur un chemin en lacets dominant la vallée, bordés de milles fleurs, et avons un plaisir d’enfants à découvrir l’impressionnant site archéologique Huchuy Cozco, toujours made in Incas, perché sur son promontoire. Magnifique, et rien que pour nous. Construit en terrasses et surplombant la vallée, on traverse d’anciennes demeures en terre, un temple du soleil, d’anciens bains, des lieux sacrificiels, des niveaux supérieurs aux niveaux inférieurs. Vertigineux vestiges, fidèles au temps.
Quelques paysans vivent à proximité. A cette heure déjà avancée de la journée, une famille, toute surprise de voir arriver des touristes en ce vendredi pascal, nous confirme ce que nous savions déjà, à savoir que plus loin nous ne trouverons pas d’auberge avant la nuit, et nous propose l’hospitalité.
Entre autres animaux, ils élèvent des Cuy (cochons d’inde) dans de confortables étables. Une fois bien dodues par 7 mois de ration quotidienne d’herbes fraiches fauchées et transportées à dos, nos mascottes chéries sont ici bien appréciées pour leur chair, comme fameux mets d’anniversaires…
Au coucher du soleil à 18h30 nous sommes déjà au lit, pour accumuler du repos en vue de la longue marche du lendemain. Un peu plus tard notre hôte frappe à la porte, il est temps de venir diner. Cela n’était pas prévu mais de telles invitations ne se refusent pas. Nous nous extirpons non sans mal de nos lourdes couvertures de laine à peine réchauffées et rejoignons la cuisine familiale où quelques épis de mais bouillis, du fromage salé ainsi qu’un thé fumant à la Muna (sorte de menthe) nous attendent. Mucchissimas gracias Senora.
Nous faisons la conversation avec ses filles ainsi qu’une joyeuse enfant de 4 ans (qui fait la pauvre ses premiers pas d’école en virtuel), parlons une bonne heure de nos vies et de l’importance de l’apprécier. Puis Morphée nous attend les bras ouverts dans nos quartiers. Au dehors le ciel avait étendu son empire sur les montagnes obscures. Des étoiles filantes tombaient comme s’il pleuvait de la lumière. Plus tard les nuages ont du entrer dans la partie et l’eau tomber en abondance sur notre bouclier de chaume.
Au lever du jour nous montons sur un sol trempé, sous un ciel épuisé, accompagnés par ses vapeurs, à l’aventure pour traverser ce massif inconnu. Nous arpentons longuement un fabuleux camino del inca bordé de pierres, parfois en escaliers, s’enfonçant au travers d’un canyon humide et verdoyant, étage quasi tropical de la Puna, puis surplombant un village de terre dépeuplé, enfin cheminant lentement dans une lande d’altitude jusqu’à un col à 4500m. A cette altitude, nos pauses sont fréquentes, tant pour respirer, que nous ressourcer de menus biscuits et encas. C’est sans regret que nos vivres et affaires furent choisis au mieux pour marcher léger, car quelconque nourriture fait toujours figure de festin en de telles conditions.
Au sommet, le vent froid cinglait nos visages. Désolations splendides nous environnant de toutes parts. Un berger à la peau ridée et tannée, seul en son domaine, menant quelques brebis et lamas, nous indiqua sans peine notre chemin, encore long, vers Chinchero plus à l’Est. Nous gagnions le lac Piuray, en vue depuis les hauteurs d’un col, en de longues heures, traversant des cultures de patates, blé, fèves, et quelques villages typiques, donnant des messes ou réunions de famille confidentielles.
Depuis Chinchero, la discussion avec notre chauffeur particulier, surmotivé à l’idée d’éviter les policiers en passant par la montagne, ne s’éternisa pas longtemps en platitudes. Fourbus, nous reposions nos jambes bien lourdes dans sa caisse à roulettes bringuebalante nous ramenant en limite de Cuzco par des chemins détournés, minés de nids d’autruche évités à coups de freins ou de volant interrompant notre sommeil léthargique.
Nous rentrons à l’hôtel en catimini, vidés mais pas peu fiers de nos aventures vécues grâce à cette désobéissance toute assumée.
Dimanche c’est jour de Pâques, les rues sont désertes, mais quelques restaurants ouvrent plus ou moins clandestinement leur cantine. Et comme si tu vas à Rio n’oublies pas de monter là haut, « si tu vas à Cuzco, n’oublie pas d’aller au Machu picchu (ca sera pour plus tard), et de manger du « cuy ». Le cuy c’est LE plat traditionnel péruvien, vous savez c’est le petit animal tout choupi qu’on a vu manger de l’herbe là haut dans la montagne. Oh eh puis mince c’est Pâques, on a rien mangé de consistant depuis 3 jours, et on n’a pas fait vœu de complet végétarisme, et qu’ils ne sont pas élevés en batterie mais avec amour, alors OK va pour l’expérience et l’exotisme. Mmmm le bon petit cochon d’Inde au four pour moi ou pané pour Martin!
Bon.. c’est surtout pour la photo, car posé sur l’assiette cela fait tout de suite moins envie…tenir ses papates grasses dans nos doigts, fermer les yeux pour pas croiser les siens, déchiqueter la peau caoutchouteuse mêlée à ses os croustillants sous la dent… hmmm bref un bon truc pour convertir un viandard au végétalisme. J’ai souvenir d’une marmotte non moins ragoutante en Mongolie…
Le truc marrant, c’est que « Cuy » se prononce « Couille » ! L’occasion de quelques unes de vos meilleures blagues. Moi, désolé, ce n’est pas du tout…mais alors du tout mon genre… même si je m’en mords un peu les Cuy de ce repas pascal. J’en regretterai presque une course aux œufs Kinder au fond du jardin…
je suis impressionnée des opportunitées que vous avez tout au long de ce voyage! C'est merveilleux et des photos magnifiques qui nous font rêver. Quelle scolarité instrutive pour les enfants! Ca n'a pas de prix :-)😍
...et PAN ! la marmotte... et PAN ! dans les cuy 😂
Coucou de Jocelyne, Merci infiniment de nous faire voyager et partager au plus près, grâce à vos superbes photos et récits de vos aventures, ces merveilles du monde, paysages grandioses et vie locale ! Bonne suite à vous quatre dans votre expédition. Bisous