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Le coeur de Linda en péril


Le Coeur de Linda en Péril


Nous voici à présent aux confins du pays, au coeur de la vallée de Suuzamyr. La bàs, les roues crépitant sur la piste, le vent de dos faisant flotter nos maillots, le soleil du matin caressant nos joues, nos yeux embrassent amoureusement chaque paysage que les méandres de la rivière dévoilent.


Mais, subitement, dans cette longue piste descendante, et suite à deux journées sans vélo, Linda sent palpiter anormalement son coeur, sans que l’effort n’en soit la cause. Pause après pause, le repos s’impose. Nous arrêtons une famille dans sa petite Lada, rare véhicule à passer par là ce jour là, et Linda rejoint ainsi le fond de la vallée.

Il faut réagir ! Les garçons comme moi même sentons des forces envahir tout notre être. 3 heures durant, nous la rejoignons d’arrache pied, poussant attentivement du bras droit le vélo vide de Linda rebondissant sur les cailloux.

Revenus à la surface des ondes 4G nous repérons une Guest House plus avant, où nous nous lovons. Le lendemain Linda souhaite repartir doucement (le cœur a ses raisons que la raison ignore…), mais consent rapidement à stopper là encore une voiture pour l’emmener à une prochaine halte. Veniera et sa famille l’y accueillent chaleureusement alors que le lieu est fermé depuis deux ans…Nous nous y reposons une journée.

Au repos son cœur va, mais elle sent bien que tout effort même anodin la fatigue.

Il n’y a plus de doute, ce n’est pas un coup de pompe du à trop d’efforts, un examen cardiaque s’impose !

Nous rejoignons Kochkor, grosse bourgade, qui possède un petit hôpital mais pas d’électrocardiogramme. Saltamat nous aide à trouver un confortable taxi pour rejoindre la capitale Bishkek au plus tôt. La médecin assistant en France nous indique une première adresse où réaliser un test cardiaque. L’hôpital national, personne n’y parle un mot d’anglais, mais nous finissons à force de gestes explicites, dans le dédale d’étroits couloirs vert glauque, à trouver une infirmière qui branche Linda et trace sa courbe cardiaque. Nous envoyons la photo à la médecin en France qui note un battement rapide à peu prés régulier.


Entre temps elle a pu voir auprès du consulat et identifier une clinique spécialisée en cardiologie Bicard, et contacté le cardiologue le plus compétent de la ville qui nous y attend. Située heureusement à 1km de là où nous nous trouvons, un taxi nous y dépose rapidement. Linda est immédiatement prise en charge. La tension, le stress montant encore d’un cran, son rythme cardiaque est analysé à nouveau, et est selon le cardiologue anormalement irrégulier. Il ne nous cache pas la possible gravité de son état .Linda est poussée dans un fauteuil en salle de soins intensifs, nos regards se croisent, inquiets. Un problème au ventricule du cœur (tachycardie ventriculaire) est identifié, probablement un symptôme consécutif au coronavirus qui nous avait enfiévré quelques jours en Avril dernier.

Le virus à couronne encore infiltré en elle s’est éveillé pour faire régner sa loi destructrice et attaquer sa machine vitale.

Nous restons avec les garçons abattus, sans repères, dans le hall d’accueil, prévenons aussi délicatement que possible nos familles.

Les assistantes nous invitent après une heure d’attente à rejoindre notre hôtel, nous serons prévenus de l’évolution de la situation…

De longues heures de doute, de crainte s’ensuivent, au bout desquelles Linda elle même nous soulage.

Le médicament administré par les médecins semble avoir fait bon effet sur le ventricule et son cœur est à peu prés stabilisé à présent.

Le lendemain elle intègre une chambre en observation pour plusieurs jours. Je peux lui rendre visite, pas les garçons. Elle est calme, son cœur bat normalement, le moral revient. La chambre au RDC donne sur un parking à l’arrière de l’hôpital, j’y conduis les garçons qui peuvent de cette manière voir et parler à leur maman à travers les barreaux de la fenêtre,… presque réunis à nouveau tous les 4.


Les jours qui suivent le départ est programmé.

Nous aimerions rester au Kirghizistan, car nous nous y sentons bien, tout simplement. Nous le quitterons le cœur gros, sachant au fond de nous que nous reviendrons.

A cheval depuis une vallée, vivre et aider une famille de bergers nomades dans ses taches quotidiennes au grand air de son campement de yourtes.

Aussi participer à la fête des aigliers, ou encore bivouaquer dans la Vallée des fleurs (Kok Zhaiyk), couverte notamment de coquelicots (fleurs préférées de Linda) au printemps. L’Histoire raconte qu’ici, aux pieds des monts célestes (Tian Shan), premières sentinelles depuis l’au-delà d’où ils revenaient, les cosmonautes russes venaient se reposer, reprendre gout à la vie après leurs grisantes et troublantes expérience extra terrestre.


Pendant que maman se repose à l’hôpital, une fois les bagages prêts à partir, les vélos revendus, on tache de s’occuper. Un gouter avec les enfants du quartier, une bataille d’eau, deux nuits dans la yourte de la cour de l’hôtel, une ballade bucolique dans la jolie vallée de Ala Archa au sud de la ville.


Le trajet Bishkek Istanbul, première étape du rapatriement sanitaire


Linda quitte l’hôpital Bicard 24h avant le vol, nous réalisons des tests PCR, tous 4 négatifs, et elle se repose dans une chambre de l’hôtel.

Le cœur dans les tempes et la tempête au ventre, nous quittons l’attentionné personnel de l’Apple Hostel et un taxi nous mène droit à l’aéroport de Bishkek.

Là nous avons plusieurs contacts téléphoniques pour nous aider, mais difficile de savoir qui doit faire quoi quand. Alors on se pose. Linda s’allonge et se repose, … ils ont notre téléphone, savent où nous sommes, ils viendront bien à nous. Nous finissons par obtenir une chaise roulante d’un autre âge.


Enregistrement des bagages, douanes, tout s’enchaine plus vite ainsi accompagné. Aucun départ prévu cet après midi sur la piste. Parmi les avions garés sur la plateforme, l’un attire notre attention mais non, serait ce possible ? Ce petit avion là bas ?

Les garçons, d’abord craintifs, sont vite excités par la bête.

Le trajet fut à la fois épique et tranquille. Linda s’est convenablement reposée, sans soubresauts cardiaques.

A bord, deux pilotes, un médecin et un infirmière turques, Linda confortablement allongée, attachée au décollage et à l’atterrissage pour éviter la culbute, et trois fauteuils en cuir pour les passagers à l’arrière. Mobilier de finitions en bois ciré, grand confort. Nos bagages aussi rentrent au chausse-pied. L’avion vrombit sur le tarmac, pointe son nez et s’envole.

Sa petite taille exacerbe toutes les sensations, l’impression d’être dans une attraction en 7D.

Après 4 heures de vol, à mi chemin, nous perdons subitement et rapidement beaucoup d’altitude, transperçons la couche de nuages et ses turbulences pour apercevoir alors un désert splendide. Vertige étrange où se confondent vie et rêve. Bizarrement l’avion continue de descendre, aux hublots le givre fond…En dessous : Rien, le désert. Au loin nous finissons par apercevoir la mer Caspienne et nous posons à Aktay à l’ouest du Kazakhstan. Pas d’inquiétude, prévu dans le plan de vol, dit le pilote. Ouf on se voyait pas trop rester là dans ce genre d’endroit « en el medio de la nada » aujourd’hui. Un camion de carburant nous rejoint pour remplir les ailes du coucou. Chaleur suffocante sur le tarmac. Nous allons avec les garçons assouvir nos besoins contre quelques arbustes non loin, pas de toilettes dans l’avion !? Linda n’ose pas éclaircir le mystère et patientera, car il est des choses que nous ne pouvons faire à sa place...

Nous redécollons, après force d’insistance auprès des autorités de la tour de contrôle tatillonne, qui n’avaient pas reçu les bons papiers, bref... En vol, le pilote fort sympathique, parlant anglais, explique aux enfants les fonctions des boutons, indicateurs du tableau de bord, il enlève même le pilote automatique pour leur faire sentir l’action des manettes…waahou

Dans la soirée, nous atterrissons en douceur à Istanbul. Istanbul, c’est un peu comme le Kirghizistan en fait, mais un peu, seulement si l’on imagine une steppe immense où chaque touffe d’herbe serait un immeuble.


A peine descendues les 2 marches de l’avion, Linda est immédiatement invitée à rejoindre la porte arrière d’une ambulance, qui l’emmène sans délai à l’hôpital, sans même le sac d’effets et le dossier médical que nous avions préparé.


Après une petite heure de formalités douanières toujours amusantes surtout dans ces conditions, un taxi spacieux nous invite avec les garçons, et s’engage pour la même direction que Linda dans la grande mégalopole et ses artères congestionnées du samedi soir. Pensées troublantes, fatigue, l’impression de se laisser porter sans rien maitriser. Rester calme, présent, ce qui doit arriver arrive, confiance…


L’hôpital est chic. Il ne dispose d’aucune chambre pour les familles des patients et Linda ne peut recevoir de visite, alors nous restons là devant le sas d’entrée, les enfants durement sortis de leur sommeil en taxi, ne sachant que faire.

Un second taxi arrive alors, missionné par l’assistance pour nous emmener à un hôtel qui était déjà réservé. Nous sommes les objets de différentes prestations aux frontières pas toujours claires, mais toutes bienveillante, laissons nous porter. Plus d’une heure durant (je réaliserai le lendemain que seuls 7 kms nous séparent de l’hôpital), le spectacle urbain continue de défiler au son de suaves musiques orientales. Les garçons dorment, je me pince pour vérifier si tout cela n’est pas un cauchemar….


Dernières nouvelles du bourbier : d’Istanbul à Grenoble


A Istanbul, Linda passe son temps à essayer de convaincre les médecins qu’elle a un vrai problème. En effet au repos, alitée, les mesures paraissent normales. Elle marche dans les couloirs, le cœur monte, jusqu’à 170 bpm, mais tout va bien pour eux. Enfin un matin, manger lui provoque une importante arythmie du cœur et ils comprennent enfin son problème à la vue des courbes.

Le médecin pense qu’une opération d’ablation de cette arythmie du ventricule pourrait réparer ce problème ainsi que sa grande fatigue. L’intervention pourrait s’effectuer en France.

Diagnostic et solution posés, nous reprenons espoir et commençons à entrapercevoir le bout du tunnel. Linda va rentrer par avion sanitaire, les garçons et moi par un vol régulier.

Toutefois la veille du départ prévu, nous sommes déjà couchés, l’interprète de l’hôpital m’appelle : je suis positif au Covid et dois quitter la chambre des garçons sur le champ pour m’installer dans une autre.

Négatif il y a 4 jours, des traces du Covid que nous avons eu au mois d’avril ont du être détectées.

Téléphone de la réception : une nouvelle carte à puce est posée à mon attention derrière notre porte, elle ouvre la porte de la cellule 211 qui m’attend. Que je ne m’avise pas d’en sortir avant 14 jours, il y a des caméras de surveillance dans le couloir ! Bon…, OK…, je m’exécute le temps de partager quelques effets opportuns avec les garçons, de les rassurer au mieux sur la suite que je ne connais pas.

Au seuil de la chambre 211, cadeau : un sac rempli de 8 rouleaux de papier toilette et 12 flacons de shampoings. Me voici dans une même autre chambre à 10 mètres des garçons, nous établissons la connexion par Skype. Ils passeront une nuit correcte. Il est bientôt minuit, je pense à un vieux film que je n’ai pas visionné depuis longtemps… Midnight Express.

Nous pourrions nous évader et prendre le train express, mais y en a pas … et surtout nos chambres sont plus bien plus sures que les prisons turques des années 70..


Plus sérieusement, ils ne peuvent pas passer 14 jours seuls dans la chambre. Il faut que nous trouvions le moyen de les faire rejoindre la France. Les autorités le savent bien, mais comme je ne pourrai pas les accompagner à l’avion les choses sont compliquées. Enfin ils acceptent que je puisse re-effectuer un test PCR. Après 2 jours interminables pour les garçons enfermés dans leur chambres, punis de n’avoir rien fait de mal, je suis testé négatif c’est un grand soulagement et nous allons pouvoir retourner en France.


A Grenoble, Linda est prise en charge à l’hôpital. Les médecins lui administrent un traitement qui la soulage, au bout d’une petite semaine ils jugent qu'elle peut enfin sortir, en attendant une opération qui ne pourra être réalisée que le 1er Juillet. Cette intervention (ablation de tachycardie du ventricule) est apparemment assez courante, bien maitrisée, et devrait rétablir de manière plus durable son rythme cardiaque.


Nous passons alors de délicieux moments de retrouvailles en famille, soulagés de voir Linda reprendre force et moral.




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