Il était une fois... le Salar
- biodivercyclos
- 1 janv. 2021
- 4 min de lecture
Depuis Oruro, comme les autres, pas de train Wara Wara vers le sud (cause Covid), aussi nous longeons sa voie ferrée, autant désolée que les contrées qu’elle traverse. Terre jaunie, quelques pauvres villages de terre éparses, que seule une église en pierre blanche semble vouloir extraire de leur triste réalité. Campesinos à la mine tannée, vivotant de cultures de quinoa, ou menant de faméliques troupeaux. Cholitas à la mélancolie profonde, dans l’espérance de vendre quelques menues victuailles. Chiens hagard aboyant au néant. Pas la joie.
Ainsi nous gagnons Colchani, village comme échoué sur un banc de terre, giflé par les vents, en marge de l’immense désert de sel d’Uyuni (10000km2). Les gens y extraient le sel, en poudre ou en briques, quelques artisans y sculptent cette précieuse matière, tandis que des 4x4 de touristes soulèvent sa poussière en direction des bords du « Salar ».
Vents de dos, alertes et excités, nous rejoignons l’entrée de ce désert pour voir enfin à quoi il ressemble en vrai, et sentir cette surface inhabituelle croustiller sous nos 2 roues.
Là, stupéfaction !! Regards posés sur l’horizon, nous contemplons cette étendue plane à l’infini, les pieds dans l’eau ! Des montagnes flottent dans le lointain, pareilles à des iles solitaires. En cette saison, les pluies couvrent le désert de sel d’un miroir d’eau qui rend ce paysage surréaliste.
Le soir tombant nous rejoignons péniblement le village. Nous le voyons, là devant nous, mais le vent dresse un mur devant lui. Face à ce blizzard, yeux plissés derrière nos lunettes, dents serrées sous nos foulards, pieds lourds sur la pédale, nous ruminons de l’approcher si lentement . Bizarre ambiance de Western à l’entrée du village. Tourbillons de poussière, portes et fenêtres closes. Une bâtisse allongée semble abriter des chambres. Confirmation de nos Hostaleros Eric et Sandra, nous sommes bienvenus pour faire étape dans leur auberge discrète, toute faite de sel.
Nous descendons de selle, soulageons nos montures de leurs sacoches, les frottons au mieux de leur couche de sel et de poussière, puis nous installons dans une douillette chambre.
Dans l’ordre et de haut en bas : un ciel menaçant, des herbes sèches calées par des pierres sur une bâche clouée à des poutres, couvertures de laine épaisses, nous dans un profond sommeil, matelas de paille, briques de sel, cristaux de sel sur une terre stérile.
Chaque jour qui suit est alors semblable au précédent. Quelques nuages parsèment un ciel bleu au matin. Au milieu de sa course, le soleil flamboie, puis tout s’emballe. Sur les massifs au loin un ciel noir gronde, zébré d’éclairs blancs, et ne tarde pas à déverser ses trombes d’eau ou de grêle. Peu résignés, nous réalisons plusieurs tentatives pour pénétrer dans le désert en vélo, claquettes aux pieds, mais réalisons qu’il sera impossible de traverser le Salar sur nos bicyclettes dans ces conditions. Nous marmonnons contre les bourrasques, plantons nos pneu dans des ornières, abimons nos pieds sur des aspérités de sel coupantes. Malgré cela nous nous amusons de glisser sur cette insolite surface lorsque le vent nous pousse. Nous passons un cap pour rejoindre une portion rehaussée, dure et blanche, où nous nous amusons avec la profondeur du décor pour réaliser des poses photos rigolotes.
Pour pénétrer le désert, nous montons dans l’un des deux bus qui le traversent (ensemble pour plus de précaution) chaque jour. Il accepte de faire un crochet et de nous déposer sur l’ile des Incas (Incahuasi), et chose importante, nous promet de nous reprendre au même endroit le lendemain.
Nous passons ainsi, seuls au milieu du désert blanc de sel recouvert de son miroir d’eau, sur cet ilot de corail et de lave séchée, pointé de cactus géants butinés par des colibris, une soirée des plus choisies pour mon anniversaire.
Aux points cardinaux des montagnes noires démarquent les contours du désert. A l’ouest côté chilien des nuages y naissent, que le soleil du soir enflamme, que le parfait miroir d’eau réfléchit. Impression de planète inconnue, douce et sauvage. A la nuit venue, quelques viscaches, gros lapins à queue allongée très répandus en Amérique du sud, fond leur première apparition à nos yeux. Linda fait mouche avec l'appareil photo. A l’aube tel des Robinson, nous montons avec les garçons à la cime de l’île pour guetter l’arrivée de « La flotta ». Nos 2 bus jumeaux sont en retard mais fidèles au rendez vous (ouf) , apparaissant comme deux points dans l’horizon blanchâtre, dégageant de hautes gerbes d’eau à leur passage. Le chauffeur nous invite à ses côtés, au poste de commande de ce navire faisant cap vers Colchani.
Nous partageons un gros gâteau d’anniversaire avec Eric, Sandra et leurs enfants avant de reprendre la route en vélo vers la petite ville d’Uyuni.
Ambiance décontractée et familiale à la casa Pingui (Casa de cyclistas), foyer où les cyclistes aussi bien que de jeunes étrangers en exil, ou encore les chiens de la rue trouvent un accueil chaleureux et amical. Ville pavée, décatie, quadrillée en blocs par de larges rues pavées, bien inondées pour la plupart. Cimetière de train, tas de ferraille d’un âge d’or révolu comme unique attraction touristique. Lieu de départ vers des trésors sauvages du Sud Lipez, et notamment du parc national Avarao, fermé devinez pour quelle cause et on ne sait pourquoi. Lointain, désertique, il est inaccessible en vélo pour nous, mais nous nous promettons un jour de revenir contempler au soir la laguna colorada, rouge marron et rose d’algues et de flamands, voir souffler les geysers de sol de Manana, baigner dans les thermes de Polques, contempler les œuvres naturelles du désert de Dali, ainsi que dit on la plus belle vue de toute les Amériques au sommet du volcan Licancabur sur la laguna verde, avant de rejoindre un peu plus au sud San Pedro de Atacama au Chili par la frontière (aujourd’hui fermée). Parfum d’amertume donc sur cette 4e aventure que nous comptions vivre sur l'Altiplano, mais parfum trop envoutant pour ne pas reprendre l’affaire un jour, ces trésors seront visibles tant que nos yeux sauront encore voir…
Magnifiques photos! Bon Anniversaire Jérôme ! Avec un peu de retard🙃..
Bonne année 2021 à tous les 4! 😉 Quelles photos encore ! Elles sont magnifiques ! merci. Bonne continuation. Sandrine