Décidant de donner pour un temps une tournure singulière à notre voyage, et pour varier les plaisirs, nous contactons (via le réseau wwoofing.org) la ferme caféière Minkalab prés de Santa Rosa de Cabal. Gabriel, Katrina et Yaru (5 ans), viennent d'accueillir au monde Anouk, il n’a pas six semaines, mais nous invitent volontiers dans quelques jours pour travailler à leurs côtés, en échange de l’hospitalité.
D’ici là, dans un vieux bus « Chiva », au son de l’accordéon du vallenato, nous rebondissons à l’unisson avec les autres passagers en direction de Santa Rosa pour découvrir cette bourgade. Le samedi soir nous dégustons un chorizo, spécialité du coin, puis sortons observer la vie nocturne. Ici pas question d’ambiance chagrin, dans une heureuse myopie, masques sous le menton, les joueurs de Tejo (lancet de palet sur des pétards plantés à distance dans un bac d’argile) ou de billard misent quelques pesos et entassent en trophés leurs bouteilles de bières vides sur les tables. Dans la zona rosa, les bars rivalisent déjà en décibels pour attirer les danseurs qui ne paraitront que bien tard après notre passage. Clairement et à regret nous ne parvenons jamais à nous muer en oiseaux de nuit pour observer leurs parades. Le dimanche, nous fondons plusieurs heures dans l’eau d’aguas thermales naturelles, nichées au sein d’un cirque végétal nappé une superbe cascade, avant de rejoindre Gabriel et Katrina à la ferme de café.
Jeune couple actif à la terre, et ouvert sur les choses du monde, ils sont d’une grande inspiration. Sous leur grande salle ouverte en guadua (bambou particulièrement solide), semblable à un chapiteau, ils complètent leurs revenus en accueillant des conférences sur la permaculture, la spiritualité, la médecine traditionnelle indigène, la « lowtechnologie » … dans l’idée d’enseigner et de transmettre notamment le savoir des indigènes aux nouvelles générations.
Nous méritons notre gite et déjeuner par un travail quotidien. Ainsi durant une semaine nous avons plaisir à les aider pour de menus ou gros travaux, arrachons l’herbe à la terre pour augmenter la surface de jardin, semons différentes variétés de mais, rassemblons les brebis, cuisinons, peignons, lavons, rangeons, construisons le toit d’une serre en bambou, et bien-sûr cueillons des grains de café sur les surfaces pentues et glissantes de la propriété. Motivés par ce cadre champêtre exceptionnel, les garçons s’activent à toutes les tâches, et jouent avec Yaru, ainsi que ses fidèles chiens et chats. En fin d’après midi, nous passons un temps très agréable autour d’un café à échanger des expériences et des connaissances.
Voyage nomade dépaysant, versus voyage immobile de paysan.
Mettre la main à la pâte, sans retenue, nous fait un grand bien. Les nuits de sommeil lourd réparent nos légers maux de dos, quelques ampoules ou autres bobos éclairent notre piètre fragilité de bohèmes bourgeois. La terre conduit à l’humilité.
Après de nombreuses itinérances riches mais futiles, cultiver un jardin, fut il celui d’un autre, nous rend quelque peu utiles. Vivre quotidiennement dans la beauté d’un lieu nous nourrit autant que notre libre errance. L’esprit, le cœur vivifiés se mettent naturellement et activement à l’ouvrage.
Nous menons ainsi cette expérience brève, éphémère, inoubliable, enrichissante, nous disant que chaque effort consenti était un soulagement pour Gabriel et Katrina.
Au dessus de nos têtes enfouies sous les cafetiers, des perroquets patrouillant en bandes, inséparables autant que nous, intouchables de grâce et de beauté, nous rappellent de leur cris à la liberté des grands espaces, à voir si le temps est meilleur et si l’herbe est aussi verte de l’autre côté de la vallée. Une semaine a passé, au petit matin nous quittons Minkalab (minkalab.org) en jeep willys, pour un nouvel horizon « pacifique » ...
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