A Rurrenabaque à la nuit tombante, de grands coups d’accélérateur inutiles annoncent l’imminence du départ. Autobus blindé direction La Paz, pour nos derniers jours en Bolivie.
Le bus file pour la nuit dans un bruit d’enfer, cerné de végétation épaisse et humide, tandis que les autres passagers somnolent définitivement dans le bercement des sursauts.
A l’aube une brume recouvre la vallée, nous évitant d’estimer la profondeur des précipices. Minces filets de routes en terre battue, virages étriqués, chaleur tropicale laissent place enfin au goudron, à la brise montagnarde et à la perspective de sommets enneigés dégoulinants de cascades.
De nombreux mausolées conservent la mémoire des infortunés précipités très loin en bas.
Quelque peu abasourdis par ce long trajet sans sommeil, partis de 200m d’altitude nous redescendons vers la Paz après le passage de La Cumbre à plus de 5000m.
Klaxons, batiments et foule bigarrés, hommes flués dans l’ombre de leurs cholitas imposantes.
Nous retrouvons Cristian Marisol et Rafael à la casa de ciclista, et partagerons un week end à la campagne sur l’Altiplano dans leur famille.
Bazar et accueil chaleureux des campagnes. Paysage andin.
Une steppe élevée, frappée d’une lumière d’or jaunissant le tapis d’herbes ponctuant le sol brun, devance les monts enneigés et nuageux de l’Illampu/Ancohuma (6400m). Subtil mélange de couleurs des terres cultivées. Bruissement de cours d’eau.
Nous parcourrons en jeep une partie du chemin des incas, ce peuple bâtisseur capable de déplacer et d’assembler si durablement des montagnes de cailloux. Nous nous embourbons là encore, broutille à présent que de combler les fondrières avec quelques pierres puis repartir avec une bonne humeur de soulagement satisfait.
Retour à La Paz dans les embouteillages d’El Alto.
Nos bicyclettes trouvent rapidement preneurs, l’argent servira à aider à financer l’opération vitale du cœur du petit Rafael qui se tiendra en mars prochain. Nous croisons les doigts pour toi ptit bonhomme !!
Nous flânons dans les rues et achetons aux cholitas quelques bonbons, artisanat, pour dilapider nos derniers Bolivianos. L’avion pour Bogota part cette nuit mais nous savons au fond de nous qu’un jour nous serons de retour dans ce pays « un-bolivia-ble » !
Des grands espaces aux petites gens
Parcourant l’Altiplano, nous les devinons au loin gardant leur troupeau, leurs jupes aux couleurs vives de jupons superposés se détachant de la végétation. Surgissant de nulle part les cholitas nous rejoignent sur la route asphaltée, hautes comme trois pommes, protégées de leur couvre chef adapté au climat : laine tricotée (paille ou imitation en plastique sous les tropiques). En ville, le bombin s’impose : insolite chapeau melon de feutre, posé en mystérieux équilibre sur le sommet de leur chevelure tressée. Chaussées de petites sandales, leurs tricots d’alpaga assure une douce chaleur de leurs mollets jusqu’aux aux épaules. Elles parcourent des kilomètres, portant sur leur dos, noués dans l’aguayo ( tissu aux couleurs vives aux motifs symboliques ou animaliers ) : un sac de pommes de terre, un régime de bananes, des marmites de plats préparés, ou leur bébé coincé raide-allongé-penché. Au détour d’un balancement sur le dos ou d’une station au sol, on croise le regard de ces enfants aux grands yeux noirs curieux.
Ici comme ailleurs, les campesinos quittent le dur labeur trop peu rémunéré des campagnes pour s’étaler le long des routes et élargir les villes.
Pourtant, sur l’Altiplano, la culture des dizaines d’espèces de pomme de terre, du quinoa, de la coca et quelques autres légumes verts fournit la nourriture de base de toute la population. Les régions basses de la Bolivie fournissent tous les autres légumes et fruits tropicaux. Malheureusement, cette richesse agricole est loin d’être valorisée à son juste prix et chacun lutte à sa manière pour sa survie.
Leur salut vient de l’haut delà, de leur croyance en la Tierra Madre, en Dieu et de leur relation au spirituel dans leurs activités quotidiennes. Vénéré-e-s, remercié-e-s ou prié-e-s, Pachamama et Dieu font l’objet d’offrandes régulières. Pachamama est assez gourmande et chaque famille enterre, dans un lieu gardé secret, ses offrandes pour la Terre Mère. Si elle n’est pas satisfaite, elle sait manifester son courroux par quelque intempérie, sécheresse ou maladie des cultures…
Les cholitas envahissent donc les villes où elles s’installent, imperturbables devant leurs biens qu’elle troquent volontiers contre quelques bolivianos : pains, herbes, légumes, bonbons… nous observons leur abus de ces derniers à l’état de leur dentition… des petits cœurs d’or sertissent chacune de leurs (fausses) incisives, lorsqu’elles en ont…
Tout en patientant, bien souvent, elles tricotent.
Pendant ce temps, les enfants lustrent les chaussures, cagoule noire sur la tête ; et les hommes cassent des cailloux, fabriquent ou transportent des briques, du ciment, montent des murs, des immeubles à étages dont l’usage s’arrêtera bien souvent au premier niveau.
Nos échanges sur la situation actuelle du monde m’interpelle : les paysans se demandent s’il ne faut pas voir quelques signes de la fin du monde. L’équilibre mondial est à ce point perturbé que les pays riches sont plus affectés par un virus que les pays pauvres, comme la Bolivie !
Les Boliviens s’accrochent quant à eux à leur médecine traditionnelle et s’enorgueillissent d’une vie proche de la nature. Nous avons d’ailleurs pu remarquer qu’une grande majorité des citadins restaient attachés aux terres de leurs ancêtres. En période de crise économique telle que nous le vivons, nombreux sont ceux qui retrouvent une vie rurale, la preuve de leur capacité à s’adapter.
コメント