Près de Santa Marta, tranquille cité balnéaire, le Pico Cristobal Colon dresse ses 5700 m de solitude dans la Sierra Nevada à seulement 40km de la côte caraïbe.
Le parc Tayrona, jungle débordante de vie, foisonnant d’être et de végétaux en interactions difficiles à appréhender, descend de ses flancs pour se jeter dans la mer émeraude.
A l’entrée Est du parc, par laquelle nous sortirons, de nombreux touristes atteignent la plage du cabo San Juan, accessible aussi par bateaux à moteur, pour y faire la nouba. Nous croisons certains, peu enclins à faire 2h de marche, sur des chevaux asservis, ne montrant pas grand enthousiasme à l’idée qu’on leur monte dessus.
Nous pénétrons dans le parc par l'entrée ouest, offrant un chemin sauvage et tortueux. Marchant seuls dans cette nature, y dormant, s’y réveillant au contact du vivant, nous aimons à nous sentir partie intégrante de ce grand tout. Dans cet inextricable et vivace entrelac de forêt mère, nous pouvons entendre les grands singes hurler à des km, observer les fourmis transporter sans relâche d’impressionnantes cargaisons de matériaux, voir les singes titi et capucins se balancer de branche en branche, les reptiles se carapater, les oiseaux parader ou se camoufler, quelques nids d’aigles émerger, des fleurs éclater au sein du vert omniprésent, et, peut être qui sait le jaguar nous observer.
Quelques familles d’indigènes Kogis vivent encore dans cette jungle à l’écart du monde, et notre chemin détourné nous mène à un de leurs villages. Avec leur accord, nous nous approchons, une jeune femme nous fait visiter leur jardin, leurs cases en feuillages, et nous glanons ainsi quelques fragments de leur vie à notre passage. Ils fabriquent leurs vêtements blancs, ainsi que des sacs que certains vendent à la ville pour acheter du riz. Ils se nourrissent chichement de patates sauvages, de manioc, d’œufs et bananes plantains, se réunissent régulièrement pour des cérémonies occultes menées par un chamane qui conduit leurs âmes, sous l’emprise de plantes hallucinogènes (ayahuasca, yagé), au contact des esprits. Passablement ivre lors de notre entrevue, ce chamane ou mamo régit aussi la communauté.
Bien sûr, tout ce qui constitue leur univers quotidien, le soleil le jour, la lune et les étoiles la nuit, la terre fertile et nourricière, la forêt absorbante, la mer, tressent autour d’eux une sérénité et une poésie semblant les habiter entièrement.
Mais ce passage inscrit en nous une relative amertume, reflétant la leur dans ce monde extérieur dont ils semblent se sentir aussi étrangers et menacés que les animaux. Un sentiment d’impuissance donc devant ce fait. Comment ces hommes et femmes pourraient coexister encore longtemps avec leurs traditions, ancrés au milieu de cette nature préservée, si près d'un monde à la dérive ?
l'ensemble de la faune et flore observées dans le parc Tayrona sur: ce lien
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