Arrivée à Bogota
Un voyage continu par voie de terre est inenvisageable depuis la Bolivie, les frontières péruviennes, argentines, chiliennes et même brésiliennes sont à présent fermées.
Les airs, tests PCR négatifs à l’appui, laissent un peu plus de souplesse à cet étau terrestre. Il nous en coute mais nous volerons vers le Nord, direction notre nouvel El Dorado La Colombie.
Après d’émouvants aux revoirs avec Rafael et Marisol, Cristian nous conduit à l’aéroport à la nuit. Ballet nocturne des taxis, éclaboussures des trottoirs où se rassemblent des sans abris.
Nous quittons la Paz. L’avion se soulève, s’incline. La joue collée au hublot nous avons peine à penser que cette immense cité illuminée est cinq fois moins étalée que Bogota, que nous rejoignons en quelques heures avec nos bottes de géants.
Nous finissons la nuit sur des bancs dans l’aéroport désert. Puis plongeons dans cette ville nouvelle de 8 millions d’habitants.
Notre chemin continue de porter les preuves de la bonté humaine, par ses manifestations à notre encontre, mais aussi de la misère et des injustices sociales. Des gens nous accueillent, nous guident, quand d’autres nous interpellent pour mendier. Plus d'un million de réfugiés venezueliens ont rejoint la Colombie limitrophe et se débrouillent comme ils peuvent.
La grande ville ne nous émerveille en premier lieu pas vraiment, puis se révèle au fur et à mesure que nous prenons de l'assurance. Comme toutes les villes, Bogota a sa signature, son ambiance, son charme indéniable.
Rues quadrillées et numérotées par Calle et Carrera. Grandes artères congestionnées d’un dense trafic routier où progressent autos et camions, bus sur voie dédiée, ainsi O surprise qu’un réseau cyclable dépassant 500kms, un des plus étendu au monde.
Hauts immeubles tertiaires, quartiers résidentiels huppés sous haute sécurité, quartiers chics avec bâtisses au style victorien, signant l’influence états-unienne sur cette ville moderne.
Parcs verdoyants, dessins et œuvres urbaines colorées, ambiance musicale souvent souriante. Monuments historiques, artisanat riche, musées (nous visitons avec enthousiasme celui de Botero ainsi que le musée de l’or).
Les transports en communs dévorent nos journées, aiguisent parfois nos nerfs, tant les distances sont grandes, les correspondances complexes. Alors durant 5 jours nous louons des vélos, passons la montagne pour découvrir un paysage quasi savoyard en direction de la lagune de Guatavita, puis participons le dimanche à la déferlante de bicyclettes à travers la ville fermée aux autos. Un vent de liberté, une ville autre. Nous découvrons des quartiers populaires tranquilles, l’immense parc Bolivar, circulons au milieu d'une foule d'amoureux de la deux roues dans une ambiance de « vélorution ». Nous partageons ainsi d’exquis moments et repas avec nos chers amis Douglas et Raquel, nos hôtes rencontrés via le réseau warmshowers.
Mais il est temps de partir, laisser leur amabilité et le confort de leur foyer, car nous le sentons : il faut nous lancer, nous perdre, aller n’importe où, pour que le voyage trouve son chemin. Se laisser porter sans réticences aux contretemps et caprices des moyens de transports, à l’incertitude des lieux de halte, qui nous emporterons immanquablement sur le chemin de l’inattendu, de la découverte.
A la gare nous en décidons, nous irons en premier lieu vers le sud du pays, direction Cali.
Le sud colombien
Le patient lecteur pourra prendre connaissance des caractéristiques les plus notables du trajet pour Cali, ou passer ces quelques lignes dans le cas contraire.
Précieuses entractes des heures d’attente en gare pour préparer l’arrivée, puis départ. Après une interminable sortie de la mégacité Bogotienne, le bus s’engouffre dans les méandres de l’océan chlorophyllien de la cordillère centrale. Bosquets de bambous jaunes et arbres immenses barbés de mousses et hôtes de plantes épiphytes, cultures de bananes et maïs sur des pans montagneux quasi verticaux. Maisons de briques coiffées de tôles, en bord de précipice, imbriquées dans cette inextricable végétation. Stop. Camion en travers la route. Stop. Nouveau camion en travers la route.
Dans les plateaux d’altitudes, des terres des plus fertiles, pour une monoproduction dantesque de canne à sucre, qui pour grande part remplira d’éthanol les réservoirs à la pompe.
L’autocar nous dépose à Cali après 1 jour de chaos sans sommeil, quand 9 heures de trajet nous étaient promises...
Repos dans une chambre claire. Au dehors la vie ordinaire bat son plein, mais de celle ci nous sommes étrangers, novices, méfiants car la réputation de Cali la précède.
Nous y faisons de belles découvertes architecturales et culinaires, mais elle éveille nos instincts de protection, nous fatigue d’attention permanente.
Plus que ce que nous y voyons, importe ce que nous y ressentons.
Ici des gens en galère trafiquent la misère, et les braquages sont monnaie courante.
Au détour de chaque quartier nous prenons soin de faire confirmer aux commerçants ou gardiens que le coin est sûr.
La plupart des Calenos sont sereins et souriants, mais nous percevons leur inquiétude, leur surprise à notre égard, ainsi que certains regards fermés, méfiants, soupçonneux à moins que ce soit simplement de durs traits de faciès, affublés d’une simple curiosité nous concernant.
Ces incursions sur nos gardes ne nous procurent pas le plaisir escompté.
A Cali la fête est sensée battre son plein sur les places publiques, même en plein jour, mais l’euphorie carnavalesque, ou encore le balancement de hanches et va-et-vient des corps envoutés par des rythmes salsa sont interdits faute de vous savez quoi…
Nous flânons dans les rues commerçantes animées, égayées d’emballantes musiques cumbia, ou de larges rues pavillonnaires aux maisons blanches, que le soleil accable, et débouchons sur des parcs arborés. Nous nous posons là sur un banc, sirotant une Lulada (sorte de citronnade à partir du Lulo, encore un nouveau fruit exotique), devant une église ouverte au public, surveillée d’une voiture de police, perdus autant dans nos pensées, nos perspectives, que dans cette ville.
La nature alentour, elle, nous surprend, nous ressource, alerte nos sens positifs.
Nous y sommes comme des princes. On y respire, transpire, elle nous aspire, nous inspire.
A Cali, la visite du parc zoologique, soi disant et sans conteste le plus beau du pays, nous ravigote. Le lendemain nous prenons la direction du parc naturel national de Farallones.
Sans trop savoir de quoi le chemin sera fait, nous entamons notre marche.
Nous surplombons sur quelques ponts les flots tumultueux du Rio Pance transperçant une dense végétation tropicale foisonnante d’oiseaux magnifiques.
Quelles espèces mieux que les oiseaux, et notamment les mâles pourvus par l’évolution des plus fins et colorés atours, rivalisent dans l’art de la parade et du chant.
Nos yeux, saisis par tant d’harmonie, jouirent d’engloutir toute cette beauté.
Puis chemin montueux, air saturé d’humidité, pierres arasées par les pluies abondantes,
vert omniprésent, épuisant, jusqu’à un refuge accueillant. Pause et dégustation d’agua de panela (eau chaude sucré), bavardages avec les gardes du parc. Loin là haut dans les nuages, le pico Pance dépasse 4000 m, et donne, par temps clair, vue sur les volcans d’Equateur au sud et l’océan pacifique à l’ouest, mais aujourd’hui la pluie bat son plein, et nous oblige à battre en retraite.
Nous quittons Cali pour Popayan plus au sud, grand village blanc à l’héritage colonial. De là nous tentons une excursion en direction du Volcan Puracé. Au pied du sentier à plus de 3000m, exaltation délicieuse des matin frais. Le volcan en activité, 1500m plus haut est encore dans la brume mais nous croyons en ses promesses…évaporées par un garde du parc qui nous stoppe net et nous prie de redescendre d’où nous venons, cause de vous savez quoi … Bonne route, Companeros !
Longue ballade descendante vers la vallée, agrémentée de la rencontre avec deux oiseaux magnifiquement colorés ( le quinquina et le baranquero ) qui complètent notre déjà belle collection de photographies, et d’un copieux repas bien mérité à l’arrivée au village.
Les heures nous glissent dessus, tombent dans l’éternité du passé, sans que cet « écueil volcanique » ne nous érode outre mesure.
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