Notre sorcier bien aimé !
La veille de notre départ vers le lac Tanganyika, nous dinons à Morogoro
avec le commissaire exécutif local des scouts, qui se trouve être un personnage fascinant. Ses apprentissages de la médecine arabique et ses pouvoirs héréditaires lui confèrent la faculté de guérir des maladies graves à partir de produits récoltés dans la nature. Si des cancers avancés sont au-delà de ses possibilités, il a pu traiter de nombreux patients atteins de cancers, paludisme, sida. Des coquilles d'œufs broyées, bouillies dans de l'eau de mer et associées à des racines (dont le gingembre) ont sorti d'affaire quelques patients du Covid hospitalises à Dar es Salaam.
Les produits et dosages adaptés, propres à chaque patient et maladie, lui apparaissent par exemple la nuit, un miroir interrogé au préalable et placé sous l'oreiller. La tête coupée d'un poulet vivant, des feuilles d'un certain arbre attrapées avant de tomber au sol et piquées par deux aiguilles de chaque côté de la tête du poulet, lui procure aussi des enseignements.
Nous sommes partagés concernant ces affirmations qui pourraient paraitre fumeuses, mais notre confiance envers cet homme humble, localement reconnu, interroge nos repères et notre scepticisme.
Mr Haskim fait partie d'une confrérie de « sorciers ou marabouts" régulièrement consultée par les chercheurs et médecins. Il voyage dans l'Afrique entière pour partager ses connaissances, qu'il consigne aussi dans des livres car la tradition orale africaine les fait trop souvent oublier.
Il sourit en confiant que des politiciens ou sportifs font appel à eux pour connaitre voir influer sur des élections ou matchs.
Le Kigoma express
Ce train rallie en 2 jours de trajet Dar es salaam au Lac Tanganyika. Sans surprise la gare est bondée de passagers et de vendeurs(euses) . 36 degrés sur nos fronts, autant que l'air ambiant, pas de fièvre suspecte donc, nous pouvons prendre place en seconde classe (le train en comprend 3, décidément comme dit Linda, on s'embourgeoise immanquablement avec l’âge), mais dans des cabines distinctes. Protection des femmes oblige, je suis invité à partager la cabine de compagnons qui trébuchent sur leurs bouteilles de rhum en me faisant aimablement une place. Je prends instinctivement des distances quant à leurs propositions de partager leur plaisir de tomber la prochaine bouteille, celui du voyage à venir suffira à mon ivresse.
Le train serpente jusqu’à Dodoma le long de larges rivières, aux rives surplombées de majestueux baobabs, euphorbes ou frangipaniers odorants (aux dires et au plaisir de ceux qui ont du nez).La lumière chaude des dernières heures du jour transcende ce paysage grandiose. A l'arrière plan des montagnes traversées quelques heures plus tôt, au premier plan un horizon éblouissant drapé de poussière que le train soulève en fendant l'espace. De jeunes hommes Masaï, enveloppés de leur drap rouge sang et muni de leur seul bâton, abreuvent leur troupeau. Les enfants batifolent dans l'eau boueuse et saluent interminablement ce train inaccessible qui rompt deux fois par semaine et pour quelques secondes la monotonie des jours. Leurs mamans courbent leur corps pour laver le linge ou les légumes, qu'elles rapportent jusqu'au village sur leur tête avec élégance et force tranquille. Aux arrêts en gares on vend, bras tendus du sel de roche, des oignons, cacahuètes ou sodas aux passagers du train.
Ces longs trajets en train ont ceci de particulier qu'ils constituent une ‘halte mobile' ! On peut à la fois décanter les émotions vécues et rassembler les moments forts des jours passés, mais aussi assister fenêtres ouvertes au défilement du paysage et des activités des gens, tel un film 4D 60kms/h, au son saturé d'une playlist africaine diffusée dans les wagons.
Une vraie halte permet toutefois un repos avant une prochaine fatigue, et ce train le permet difficilement.
Linda et les garçons se superposent pour la nuit sur leurs 3 couchettes (chaque cabine en compte 6), je me hisse au dessus de mes compagnons de chambrée. La bouteille les a tombés, leurs ronflements sont à peine couverts par la frappe assourdissante des ballasts, mais ce bercement du train que j'affectionne tant ne tarde pas à m'envelopper dans les bras de Morphée.
Il stoppera demain soir cette épopée vers le far West tanzanien à Kigoma, face à cette mer intérieure d'eau douce, le Tanganyika. Notre seule ambition pour l'instant est de nous reposer sur ses abords.
Trop bon ce récit du voyage en train, ces photos... que de souvenirs 😋
Waouh... Merci pour cette lecture du soir. Les photos sont juste magnifiques et me plongent un peu dans mes souvenirs de cette terre d'Afrique visitée grâce à vous et tant chérie. Ça fait du bien de vous voir. Bisous mes Loulous, on vous aime. (Et vous avez réagi Karibu : mon diminutif 😘). Karine Lolo et Jules