Bolivie...Vallées la pena!
- biodivercyclos
- 17 janv. 2021
- 6 min de lecture
Quasiment deux semaines que nous avons quitté Uyuni pour parcourir les vallées du sud et du centre du pays, zones de transition entre l’Altiplano et les plaines de l’Oriente. Tantôt en vélo, tantôt en bus sur ces routes des Andes, telles des guirlandes, posées sur les chaines de montagnes parallèles dégringolant progressivement vers l’Est, ponctuées au fonds de vallées ou aux sommets de collines par des villes aux caractères bien typés. Atocha, Tupiza, Tarija, Padcaya, Potosi, Sucre.
Ces noms sonnent à présent en nous comme celles de personnes uniques, aux caractères singuliers.
Toutes d’abord un peu difficile, toutes charmantes cependant, à bien vouloir se conformer à leurs particularités.
Ces régions sont aussi les lieux de merveilles naturelles ou historiques leur valant de nombreux superlatifs.
Tupiza
Ainsi peu après Atocha, mine de cuivre à ciel ouvert parmi les plus imposante au monde, dans un décor de gâteaux minéraux friables, à mille feuilles grises, bleutées, vertes, le bus nous dépose gentiment, à notre demande, au milieu de rien, puis nous dévalons une journée en vélo vers Tupiza, bourgade au climat doux plantée au creux d’un cirque de montagnes rougeoyantes et ciselées.
Au 31 décembre, nous franchissons à pied le seuil de la symbolique Puerta del Diablo (Ano 2020, al rumbo de 2021), marquée par deux parois rocheuses verticales, remontons la vallée de Los Machos aux cheminées de fées évocatrices, avant de s’enfoncer dans l’étroiture humide et fraiche du canyon de l’Inca, bordée de falaises rouges.
Tarija.
Il est parfois un monde entre l’idée, ailée, que l’on se fait du voyage et le rude piétinement sur la route. Sur une piste de poussière, à peine plus large que lui, le grand bus, que l’on devine peut être violet, file à (trop) vive allure. Une légère erreur d’appréciation de trajectoire, une défaillance mécanique (l’embrayage émet un son criant peu rassurant), une roue dans le vide et notre sort, comme celui de tous les passagers, en est jeté au fin fond du ravin. Vallées profondes, isolées de tout, arides et poussiéreuses, d’où sourd un filet puis une rivière d’eau rouge, permettant encore quelques oasis de vie agricole.
Stress à la croisée de quelques véhicules, on recule, on avance, des cailloux tombent dans l’abysse, séparé de la roue de quelques centimètres. Sueur donc puis soulagement au passage d’un haut col s’ouvrant sur les grands espaces plans de la réserve de Sama. Puis une nouvelle chute de 2000m au sein de montagnes plus humides tapissées de verdure rase.
Pensée inquiète pour le jeune chauffeur de bus, manoeuvrant chaque jour sur cette frontière entre vie et néant.
Bienheureux d’arriver sains et saufs à Tarija, capitale du sourire, qualité manifeste lorsqu’on arrive des hauts plateaux, qui impriment immanquablement sur leurs gens un peu de leurs traits rudes et austères. Ville au centre étonnement moderne, quadrillée, avec quelques monuments raffinés, et parcourue par la large Ruta 1, la grande panaméricaine que nous foulons pour la 1ere fois de nos roues.
Nous remontons la vallée de la Conception. Ses vignobles les plus hauts au monde (2200m) font la renommée de la région. L’abbaye de Chagaya nous accueille un soir où l’écluse du ciel menace orageusement avant de céder sous la pression. Nous taquinons la pluie battante en arrosant d’un succulent vin Kohlberg notre bonheur d’être à l’abri del Senor, bien au chaud.
Dans la Valle de los Condores, à Rosillas nous grimpons avec Antonio Martinez à l’assaut des falaises. Au contraire du parc de Rocamadour où ces géants des airs obéissent au doigt et à l’œil des fauconniers et posent leur becs sans crainte sur des enfants de 3 ans, nous sommes là à l’affut de ces bêtes sauvages dans leur milieu réel: peut être ne verrons nous rien aujourd’hui…!
A la mi journée, à bonne distance, neuf de ces oiseaux développent leur impressionnante envergure (jusqu’à 3m), s’élèvent en tourbillonnant dans les courants d’air chaud, pour fondre parfois au loin sur un bétail passé aux portes du paradis. Une jeune femelle, naîve, se méprend à la farce de Martin et Simon feignant la mort sur un terrain découvert, s’approche intéressée par ce pâle et curieux butin, nous permettant ainsi de l’observer d’un peu plus près.
Potosi
Les instants précédant chaque départ vers une nouvelle destination inconnue nous disent leurs promesses, stimulent notre imagination, …une joie excessive pouvant aggraver la déception de la réalité. Ainsi nous rejoignons Potosi, ancienne cité coloniale au sommet de ses 4000m, plus peuplée que Paris au 17e siècle, à l’architecture raffinée.
3h30 du matin arrivée en gare, fatigue à son comble, mais sommés de descendre du bus. Le ciel déverse ses trombes d’eau qui dévale à grands flots ses pentes sèches.
L’air est rare et souillé par les pollutions des moteurs, des industries de la mine. Les musés sont fermés. Métamorphoser ces rues en un univers poétique n’est pas chose facile. Les maisons colorées, ornées de balcons en bois sont ternies par le ciel en deuil.
Le Cerro Rico domine la cité besogneuse de ses 5000m. Ses entrailles, creusées d’autant de galeries ont fait sa richesse passée, et celle de l’Europe depuis le 16e siècle et l’empire de Charles Quint. L’expression « L’argent coule à flots » était une pure réalité, due aux milliers d’africains et indiens sacrifiés, aliénés à un travail souterrain incessant et inhumain par les conquistadores espagnols. La monnaie de tous pays des Amériques était frappée là, marquée du signe PTSI comme Potosi, abrégé en SI, raccourci en $ sigle du dollar américain.
Aujourd’hui quelques milliers de mineurs, dont des enfants, s’activent encore dans le ventre du mastaudonte, pour peu d’argent et au prix de grands risques, sensés être amenuisés par des dons en coca et alcool à la montagne. Elle contiendrait encore, en bribes d’étain plus que filons d’argent, plusieurs fois le PIB annuel du pays dans ses entrailles.
Sucre
De Potosi, nous nous extrayons tant bien que mal au milieu des marchés et des embouteillages, puis fait marquant nous descendons plus de 40kms d’un trait.
Nous devons nous égosiller, nous armer de pierre parfois en montées, pour repousser les attaques de chiens, en meutes de plus en plus grandes.
Ce jour là le ciel, cette panse gonflée au dessus de nos têtes, nous offre la douceur d’une salle de classe, déserté depuis un an cause Covid, comme abri pour l’étape du soir. Des enfants nous guettent depuis le coin de leurs maisons, timides et apeurés.
Le lendemain nous entamons des pentes, une succession de montées dures coupée de descentes pour souffler.
On se sent un peu présomptueux d’envisager ces parcours montagneux sur des vélos chargés. Il convient de se faire une raison et rester modeste : on fait de notre mieux !
Notre énergie vitale, au contraire de celle des enfants, faiblit avec l’âge, perceptiblement.
Nous tendons le pouce et un petit couple d’un âge sûr, nous voyant pris de peine dans une montée en pleine chaleur, nous embarque dans sa camionnette jusqu’à l’entrée de Sucre, encore marquée par de grosses inondations survenues quelques jours avant.
Capitale administrative du pays, façades blanches, monuments baroques. Davantage de chicas à la mode européenne que de cholitas en tenues traditionnelles. Repos chez Isabela, chouette hôte bolivienne à qui nous souhaitons bonne réussite pour ses études. Tous les hostals touristiques sont fermés.
Visite du parc crétacico. Une cimenterie a découvert récemment puis mis à nu un livre ouvert sur l’histoire : une falaise d’un km de long, monde ancestral mis à la verticale par le soulèvement des Andes, où l’on peut observer des milliers d’empreintes de dinosaures fossilisées depuis 70 Millions d’années.
En nous maintenant en mouvement, le temps semble s’être arrêté. En baissant l’allure à Sucre, même résultat, on dirait le sud, le temps dure longtemps, plus d’un million d’année, et parfois en été. Signe que nous allons pour le mieux : impossible à l’un de nous 4 de dire si nous sommes lundi, jeudi ou un autre jour.
Depuis la fenêtre d’un bus, un moment fugace, une scène de vie saisie à la traversée d’un village ; ou encore assis sur nos deux roues, le simple acte d’observer et de ressentir la beauté d’un paysage, un insecte, un oiseau, de surveiller le ciel, permettent de s’ancrer intensément dans le présent, faisant ainsi de ces parenthèses de temps des souvenirs. Cette observation éclairée, attentive, émouvante, d’un instant pourra rejaillir, illuminer des moments futurs. Coincés dans un embouteillage, stressés par le retard à un rendez vous, l’image de ces moments puissants de notre vie reparait parfois par enchantement pour nous rappeler à la raison de ne pas trop s’en faire (de tracas).
Visite de la casa de la Moneda ( musée de la monnaie) à Potosi
Symbole de la richesse espagnole et surtout source de la richesse européenne, la casa de la Moneda (fin de construction 1773), traitait tout l’argent extrait des mines environnantes pour expédier les pièces d’argent en Europe jusqu’en 1860, introduisant ainsi des liquidités. En parallèle, à Potosi, Sucre se développe le nouveau monde : églises baroques splendides, couvents, bâtiments officiels et bancaires. A son apogée, vers 1580, Potosi était plus peuplée que Paris. Tous les hommes Nativos de plus de 18 ans devaient creuser (au moins) 4 mois par an pour l’Etat, des milliers d’esclave furent acheminés d’Afrique. Avec le temps la Casa de la Moneda s’est équipée d’engrenages en bois monstrueux, entrainés par des 4 mules par matrice, pour laminer l’argent. Les pièces étaient taillées et frappées du blason espagnol. Cette richesse attira des artistes européens et permis de créer l’une des 2 écoles d'art de l’empire espagnol, avec celle de Cuzco. Luis Nino, issu de l’école de Potosi, et de nombreux autres anonymes ont appris des maîtres européens et créé leur style, notamment des Vierges figurant également la Pachamama, belles œuvres syncrétiques, fusion de symboles catholiques et indigènes.
De même, de belles églises baroques arborent, en façade des sculptures amérindiennes, des symboles indiens.
Comentarios