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Biodiversité : le domaine des animaux sauvages

Dernière mise à jour : 15 oct. 2020

Depuis Mto Wa Mbu , petite bourgade agricole au Nord du pays, nous nous languissons de visiter deux parc nationaux à proximité.

Les garçons sont pris d’une impatience heureuse, et nous même sommes en proie à nos plus beaux rêves d’enfance.


Manyara


A peine entrés dans le parc de Manyara, étroite bande de quelques centaines de km2 prise en le lac du même nom et la vallée du rift, nous sourions déjà , complices devant l’intimité d’un couple de babouins (Olive baboon) s’épouillant amoureusement au milieu de la piste, aucunement dérangé par notre présence. Surviennent ensuite leurs cousins singes bleus et singes à casquette (cape monkey). Des papillons ou oiseaux multicolores foisonnent dans les arbustes jouxtant le chemin : martin pêcheur (kingfisher), le guepier mangeur d’abeilles (bee eater), le sunbird. Egalement deux beaux calao rouges et noirs.

Bien sur le spectacle des bipèdes, même à allure réduite dans la petite 4 roues motrices de notre guide Osman, fait déguerpir la plupart des espèces. Ainsi engagés doucement sur ces chemins tortueux, si étroits parfois que les épineux font grincer la carrosserie, chaque instant d’attention est nourri d’une rencontre, fut elle animale ou végétale, de taille imposante ou minuscule, proche ou à distance.

Nous rencontrons plusieurs éléphants, s’abreuvant en troupe ou bien circulant en solitaires. Le premier , barrissant, trottinant prestement, oreilles battantes, se fige devant nous à distance, soulève des jets de poussière de son pied, avant de s’enfoncer dans les taillis. Ouf.

Plus tard un second mastodonte, rocher de granit trompé par ses oreilles derrière un buisson bordant la route. Nous stoppons le véhicule, il s’approche lentement. Nous scrutons bouche bée sa peau épaisse fendillée de crevasses, son œil assuré, curieux, troublant de sensibilité. Devant son imposante stature frôlant le véhicule, même les mouches tse tse suspendirent leur vol dans l’habitacle. Tembo passa son chemin sans nervosité aucune, après tout en quoi ce jouet blanc à roulette empli d’insectes eut il pu inquiéter sa toute puissance…

Autre colosse : le buffle, solitaire, mufle humide, reste à distance dans les herbes et il est bien ainsi. Un lion seul n’oserait se frotter à ce poids lourd aux cornes redoutables.

Pour nourrir les grands félins, le miracle de l’évolution a voulu les antilopes, de toutes sortes et sans exceptions touchées par la grâce absolue. Grandes gazelles, impalas, gazelles de Thomson, de Grant, Kobs, grand koudous, bushback, et même les petites dikdik pour amuses bouches. Craintives , elles disparaissent dans les fourrés à notre approche, sauf lorsque leur troupeau est à distance sure.

Nous circulons ainsi tout le jour parmi les bêtes sauvages, mais nous pourrions parcourir le domaine trop précipitamment et passer à côté de la plupart d’entre elles, nous épiant depuis les taillis. Aussi nous prenons le temps de nous arrêter régulièrement, restant à l’affut de quelque surprise, acceptant que ce temps n’apporte peut être rien.

Au delà du mur végétal longeant la piste, parfois un ample espace d’herbes où s’élèvent de grands acacias, géants parasols réunissant girafes et zèbres dans l’amitié de l’ombre et de la terre, à l’heure où le soleil à son zénith embrase l’air.

Le zèbre, ce cheval trapu au ventre bien rempli, impeccable costume bariolé, s’associe volontiers aux girafes et aux gnous dans une complicité protectrice. Les premières forment d’incomparables tours de contrôle, et les seconds, frères de circonstance moins véloces, finissent souvent plus facilement sous les crocs des fauves.

Twiga, l’élégante et imposante girafe Masai, porte fièrement ses socquettes blanches et sa robe aux jolis motifs marrons foncés, se régalant constamment de feuilles d’acacias.

A l’heure où l’après midi décline, nous continuons de parcourir d’un regard attentif les futaies épaisses, les arbres propices à l’escalade, en quête de cette silhouette fauve, graal du lieu : le lion grimpeur d’arbres ( tree climbing lion), qui ne laissera apercevoir…

Osman : « les bêtes se reproduisent dans le parc, leur nombre se maintient. Mais les aléas climatiques provoquent tout à tour des sècheresses et inondations qui les obligent à s’adapter constamment. Ainsi à Manyara cette année la savane est sous les flots, poussant les girafes, lions vers le bush prés du flanc de la montagne. Ainsi pressés, des animaux sont tentés de franchir la zone de protection pour s‘aventurer à leurs risques et périls, le léopard vers le bétail, les éléphants vers les cannes à sucre, les babouins vers les bananes…cohabitation difficile !





Aire de conservation du Ngorongoro


Après tous les animaux observées deux jours avant à Manyara, nous nous demandions quelles surprises pourrait nous réserver la visite de l'aire de conservation du Ngorongoro , mais ce cratère volcanique de quelques 300 km2 abrite une concentration d’espèces sauvages rares au monde.

Depuis la rime du volcan que nous atteignons au lever du jour, accompagné d’Haroun, guide masai, dans sa grande voiture tout terrains, pris dans des brumes et des températures glaciales, nous doutions quelque peu de ce qui aller nous attendre. Puis, descendant le flanc pentu et boisé du volcan, royaume des éléphants , surprenants crapahuteurs, notre vue peut à présent embrasser cet espace sans bornes, fief des animaux libres, baigné de lumière ainsi que d’un immense lac nourrit cette année par des pluies diluviennes.

Ainsi franchissons nous la grande frontière, séparant le monde des hommes de celui des animaux sauvages. Deux règnes distincts, deux mondes juxtaposés, où l’autre n’est toléré qu’en cage ( à barreaux ou à roulette).Il y a peu de temps, dans ce lieu de découverte des premiers australopithèques, des familles de masai cohabitaient encore avec les animaux. Elles furent mises à l’écart et donc conduites à une relative sédentarité. A présent ici nait, vit , pait , chasse, s’accouple et meurt uniquement le peuple des bêtes.


Dans les vastes étendues sous ses différentes formes, savane herbeuse, marécages, futaies, jaillissent de perpétuelles nouveautés. Sans cesse et partout nous pouvons voir, entendre, vivre les animaux. Affuts ou envols de rapaces , dont l’aigle serpentaire surnommé messager sagittaire ou aigle secrétaire, l’african eagle hunter, les busard noirs et blancs ou différents vautours.

Les marécages, foisonnants d’innombrables oiseaux ( flamands, pélicans, aigrettes, spatules, ibis, grues, calao trompette(hondo hondo) ), laissent seul apparaitre le dos des hippopotames, immergés tout le jour.

Le long de la piste rouge fendant la savane, fuite de gazelles bondissantes, familles de phacochères au trot, chacals ( jakous ) peu farouches , l’un finissant les restes d’un gnou.

Plus loin enfin prés de la piste, l’auteure du crime : Simba la lionne. De grande taille, visage satisfait, repue, allongée comme clouée dans l’herbe par la pesanteur de son estomac. Les yeux d’or fixés sur l’horizon lointain, buvant l’air frais de sa bouche entrouverte, babines écumeuses dévoilant ses crocs meurtriers. Un moment plus tard , tête posée et inclinée sur ses fortes pattes avant, elle entame un somme de quelques minutes.

On ne peut éviter la similitude avec ses mini cousins d’appartements. Les uns régnant libres sous le ciel, en proie à la faim et la soif, les autres maitres repus des canapés.

En arrière plan, à quelques bonds seulement, un troupeau de gnous, sans doute conscient que l’engloutissement de l’un d’eux assure aux autres un répit pour le temps de la sieste digestive du gros matou.

Reprenant la route et laissant madame à ses insondables songes ( carnassiers, amoureux .. ?) , nous coupons aussi le fil de grands troupeaux de gnous et zèbres en migration.

Les gnous galopent, s’affrontent, mufles bufflant, cornes mêlées, sous le jugement des majestueuses grues royales. Ces animaux s’accouplent et mettent bas aux mêmes périodes, afin que les juvéniles ne se retrouvent pas seuls face aux predateurs.

Les zèbres se prêtent parfois à des ruades, morsures et cabrements étonnants. Leurs robes lancées à grande vitesse perturbent la vue des fauves par un effet stroboscopique protecteur.

Plus loin encore, une autruche male parade en exhibant et balançant ses belles plumes, puis se lance à la poursuite d’une femelle, en vue d’accomplir sa part dans le grand mécanisme de la vie. Lui ailes en l’air, elle ailes à terre, elle pas vouloir lui. Ingratitude. Amusement général !

Puis viennent les êtres du télescope. 5 hyènes à distance, distinguables à la jumelle par leur allure de grand chien à tête allongée.

Haroun, de plaisanter gentiment sur nos capacités visuelles : « vous, les européens, vous pouvez voir à 50m.Pour ne pas vous faire écraser en traversant la route, cela peut suffire. Nos grands pères Masai, si à cette distance ils voyaient un fauve, leur survie était compromise, c’est pourquoi nous aussi, leurs descendants, nous voyons loin ! »

Haroun toujours, de nous en donner preuve. Il interromps subitement le défilement de l’espace, et nous restons silencieux et immobiles devant le vide d’une vaste étendue d’herbes sèches. « you see there, a black rhinocéros, only maybe 35 in the crater, and not many more in the world ! » Probablement à plus de 2 kms, à la jumelle nous avions peine à le distinguer, bluffant !

« Il voit mal mais sent et entends très bien ! Si nous restons silencieux, il peut s’approcher et traverser la piste juste devant la voiture. Au Serengeti, un peu plus au nord, des léopards montent sur les voitures des rangers pour mieux détecter des proies à l’horizon ! Si on les respecte et on les laisse en paix, les animaux ne craignent ni n’attaquent l’homme ! »

Nous méditons ces pensées, et laissons le temps imprimer ses nuances : souffle du vent dans les herbes, fluctuations des lumières sur la plaine, course des nuages, nous alimentons même immobiles l’appetit des choses qui nous entourent. Papillons, gros insectes et campagnols. Le gros point sombre n’approchera pas à moins de 500m environ, de quoi bien distinguer toutefois sa cuirasse gris foncée, son corps de tank, sa face bosselée et disgracieuse ponctuée d’une longue corne massive et arrondie.

La journée touchant à sa fin, comme pour prolonger le plaisir un éléphant bloque la piste d’une branche à son gout, nous imposant ce face à face heureux, et un détour qui ne le fut pas moins.

Nous quittons juste avant la nuit, comblés , ce spectacle de la vie sauvage, sous le regard assuré, étrangement humain, d’une famille de babouins. Craquante transition à la frontière du monde des hommes, que nous rejoignons non sans une certaine nostalgie, en tous cas avec la conviction renforcée que cette vie là doit faire partie de l’avenir, réintégrer celle de l’homme. S’il ne prends garde à préserver le patrimoine vivant, il deviendra vite son seul et unique ennemi, pour paraphraser cette citation :

« Il n’est pas douteux que votre disparition signifiera le commencement d’un monde entièrement fait pour l’homme. Mais laissez moi vous dire ceci, mon vieil ami, dans un monde entièrement fait pour l’homme, il se pourrait bien qu’il n’y ait non plus place pour l’homme. »

Romain Gary , lettre à l’éléphant(1968)


Conclusion


Traverser ces espaces sauvages ne nous a pas paru illégitime, dés lors que notre présence ne semble pas perturber leur ordonnancement .Nous laissons pour traces nos remerciements, à ces animaux qui n’en ont que faire, d’avoir émerveillé notre jour de ce spectacle vivant, et aux humains qui ont choisi de les laisser en paix. Puissent ils faire des émules, et que de nouveaux espaces semblables voient le jour prochainement.

Vouloir célébrer ces cadeaux de la nature en fixant sur papier les sensations ressenties, a permis d’ajouter à notre qualité d’observation, et complète par les mots les prises de vues qui ne rendent que trop partiellement les émotions vécues.

Incroyable histoire que celle de ces primates, quittant la canopée, et devenant sachants au point de concevoir une industrie capable de décortiquer la nature, une machinerie numérique capable d’en figer les rares fragments demeurés intactes, les diffuser sur la toile, les stocker dans le nuage virtuel, pour s’abreuver dans un canapé d’une pluie d’images, de documentaires.

Que ces images, ces mots, puissent éveiller nos consciences, nous reconnecter à cette nature fusionnelle et totale dont nous ne formons qu’une pièce , mieux ressentir l’utilité et la justice de ce monde animal et végétal , pour déclencher notre action, militer pour de nouvelles conquêtes à son actif.



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3 Comments


sandrine malki
sandrine malki
Sep 16, 2020

C'est magnifique ! Quand le roi Lion devient réalité... Merci pour ces photos !

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thierr.jousseaume
Sep 14, 2020

Les photos sont magnifiques. Je n’ai pas vu de léopard pour compléter l’ensemble des big five ;), mais tous les animaux que vous avez croisés dans leur milieu naturel ont dû vous apporter beaucoup d’émerveillements et de plaisir.

Les rencontres avec les habitants ont l’air tout aussi intéressantes. Bravo pour votre action de sensibilisation au problème de la pollution et l’opération de nettoyage des déchets plastiques.

Si le Kilimandjaro s’offre à votre vue, admirez le bien, car sa physionomie évolue et ses glaciers moribonds sont condamnés à disparaitre avant la fin du siècle :(

Profitez bien de votre voyage.

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Karine Buffiere
Karine Buffiere
Sep 11, 2020

Impression d'être plongée dans un film documentaire... Quelle chance vous avez eu, merci pour ces superbes photos

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